Introduction générale - Le notaire et la loi : « Et voudriez-vous… »
Le droit de la famille est une branche du droit ô combien délicate. Non pas parce qu'elle est technique, mais bien parce qu'elle est liée à l'être humain. Les sciences humaines démontrent la complexité d'analyse qui s'y attache. Chaque être, pris individuellement, est complexe, et si vous y adjoignez d'autres individus, l'observateur doit prendre une véritable hauteur dans sa réflexion.
Place du notaire. – Le notaire est un interlocuteur privilégié des personnes qu'il rencontre. La confiance qui lui est accordée permet un échange et une écoute précieuse. Confident, parfois intime de son client, il l'accompagne avec empathie, mais aussi avec réalisme. Réalisme, car la proximité que nous avons avec nos concitoyens ne doit pas nous faire oublier notre impartialité. Cette dernière nous oblige à avoir une approche holistique de l'évolution des mœurs d'une société.
Si la famille évolue au gré des mutations de la société, elle interagit également avec elle. La famille, premier groupe d'apprentissage de la sociabilité, devient une source d'appréhension de l'évolution de notre société. En analysant les familles et leur mode de fonctionnement, il nous est possible de comprendre les changements sociétaux.
C'est bien par une jonction des différents regards des notaires sur ces dynamiques des mœurs que l'on peut en comprendre le sens. La matière juridique s'inspire de ce « lamarckisme social ». Et pourtant, le droit de la famille se doit d'être un droit stable. Les évolutions législatives ont été lentes et, surtout, réfléchies. Les lois dites « Carbonnier » ont été mûrement pensées et sociologiquement cohérentes. Il s'agit bien là de reconnaître l'influence du droit de la famille sur les comportements de chacun. Sorte de garde-fou contre l'individualisme forcené, car chaque membre de la famille est un élément qui, uni aux autres, forme un tout.
Cinq vœux, pour cinq évolutions législatives. – L'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen prend une dimension très actuelle : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », lequel peut être un membre de ma propre famille. C'est cette notion de lien qui a orienté le choix des thèmes qui vous sont ci-après exposés, lesquels s'appuient sur cinq vœux ou propositions – parmi une cinquantaine – ayant abouti à des évolutions législatives.
Mariage et Pacs.– Lorsque l'on pense au lien qui unit deux personnes, vient immédiatement à l'esprit l'institution du mariage. C'est bien l'importance et le poids social de cette institution qui expliquent aujourd'hui une forme de désamour pour le mariage. L'introduction dans notre sphère juridique du pacte civil de solidarité (Pacs) répond à de nouvelles attentes des couples. Le notaire a pourtant été initialement exclu de ce contrat, lequel devait être présenté en deux exemplaires originaux au greffe du tribunal d’instance pour permettre son enregistrement. Et que dire du régime des biens mis en place… Les 98e et 100e Congrès des notaires ont exploré plusieurs pistes d'amélioration. Notre confrère Yves Delecraz a démontré les évolutions nécessaires de ce contrat de couple ô combien particulier.
Vulnérabilité. – La vulnérabilité a été au cœur de deux congrès, le 102e et le 116e. Ce thème est vaste et complexe tant il recouvre des situations multiples. Mais ici encore, c'est le lien qui unit la personne vulnérable à son entourage qui démontre l'importance de la famille dans l'assistance et l'accompagnement de ce proche. Le vieillissement de la population a justifié la préconisation du mandat de protection future par le 94e congrès de Lyon, ainsi qu'une clarification de l'habilitation familiale lors du 113e congrès de Lille. La vulnérabilité peut également toucher le dirigeant d'entreprise, ce qui entraîne sa démission d'office (114e congrès de Marseille), afin que la société puisse perdurer.
Enfant. –« Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit à grands cris », et le regard du juriste brille à l'idée de donner une place à ce nouvel être, porteur d'espoir et d'avenir. Et pourtant, les plus anciens d'entre nous ont connu un temps où l'égalité entre les enfants n'était pas la règle. Le lien entre l'enfant et les autres membres de la fratrie doit-il pâtir des modalités de sa naissance ? À Tours, en 1995, un congrès entier fut dédié à l'enfant et au droit. Le 91e congrès place l'enfant comme un sujet de droit, ouvrant la réflexion sur la place de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Transmission. – Être le maillon d'une longue chaîne, tel est peut-être notre rôle à tous. La transmission (112e congrès), une notion bien connue des notaires, est parfois préparée, voire anticipée. Nous sommes tous conscients de notre fin inexorable. Pour certains, prévoir son départ apaise l'angoisse de la disparition. Les libéralités en sont un exemple. Le droit des libéralités évolue depuis un certain nombre d'années par une atténuation de l'autorité imposée du disposant et une implication du, voire des, gratifiés. Ce phénomène de contractualisation met du temps à trouver sa place en droit de la famille. Nos vœux ou propositions doivent parfois être réitérés pour enfin voir le jour. La renonciation anticipée à l'action en réduction démontre qu'il faut remettre l'ouvrage sur le métier pour que l'œuvre soit parfaite. Le 72e congrès de Deauville en 1975, puis le 100e congrès de Paris en 2004, appelaient de leurs vœux l'adoption d'un texte autorisant la RAAR : la loi du 23 juin 2006 l'a consacrée.
Patrimoine. – Les libéralités graduelles ou résiduelles sont l'expression d'un transfert patrimonial réfléchi et organisé avec le bénéficiaire. Le patrimoine du XXIe siècle, thème du 96e congrès de Lille, a ouvert la réflexion, et le 102e congrès de Strasbourg lui a donné du sens en répondant à un but précis à travers les libéralités graduelles ou résiduelles.
La famille ne doit pas être haïe, mais bien aimée, car elle contribue à une société apaisée.▪
Mots-clés : Famille